Le Sommet mondial des coopératives d’innovation s’est tenu à Paris, dans les locaux de la Fédération nationale du Crédit Agricole, les 26 et 27 septembre 2023. Il s’agissait de notre premier évènement en personne, après que la pandémie a interrompu nos projets en 2020. Cependant, fidèles à notre mission, nous avons organisé quatre sommets en ligne de 90 minutes, auxquels ont assisté au total 3 000 participants de 90 pays. Cela démontre donc l’appétit des coopératives et des mutuelles pour un tel évènement international.
L’année 2022 nous a donné l’occasion d’aborder le thème principal Nouvelle époque – Nouveaux défis : les phases de transition. Nous avons réuni 55 panélistes, conférenciers et animateurs représentant tous les secteurs de 15 pays, en virtuel et en personne.
Plus de 150 participants se sont réunis à Paris, et plus de 30 en ligne. Ils venaient du Canada, du Brésil, de Bruxelles, des États-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni, du Danemark, de l’Iran, de la Finlande, de la France, de l’Inde, du Japon, du Portugal, de l’Espagne, du Kenya, de la République démocratique du Congo et de la République de Corée.
Nous avons relevé le défi d’entendre davantage les jeunes. Dix de nos panélistes avaient moins de 35 ans, certains avaient une vingtaine d’années, et ils ont donné une lecture juste et franche de la réalité environnementale et socioéconomique.
Chaque panel comprenait des jeunes leadeurs moins expérimentés ayant de grandes idées et des leadeurs de coopératives plus expérimentées ayant un impact sur les questions mondiales émergentes. Des discussions intéressantes ont eu lieu, et tout le monde a adoré!
Nous avons tous convenu que travailler ensemble de manière coopérative est LE MOYEN d’être sur la bonne voie pour construire ensemble une économie plus inclusive, diversifiée et plurielle.
Parmi les 55 personnes présentes sur scène, 26 femmes ont été panélistes, oratrices ou animatrices, assurant ainsi la parité hommes-femmes sur scène.
Parmi ce mélange intéressant d’âges et de genres, 14 panélistes ont apporté leur expertise sur l’innovation dans les transitions majeures à exercer dans les domaines sociétaux, de l’énergie ou de l’environnement, du numérique, générationnels et du leadeurship.
Les panélistes ont été invités à discuter de ce que cela signifie de regarder et constater nos erreurs et de prendre les mesures nécessaires pour les corriger rapidement. Les innovations technologiques sont disponibles et prêtes à être mises à l’œuvre.
À titre d’exemple, le président d’IFFCO, Dileep Sanghani, a déclaré qu’IFFCO avait lancé son produit innovant Nano Urea qui contribuera à réduire de 50 % le besoin d’utiliser des engrais chimiques conventionnels, qui peuvent être nocifs pour le sol.
Rose Marley, PDG de Co-operatives UK, a également souligné que tandis que d’autres types d’entreprises prennent conscience de la nécessité de protéger la planète et la santé humaine, les coopératives font encore plus, en rendant les gens plus autonomes grâce à la démocratie. C’est ainsi que les coopérateurs peuvent reprendre le contrôle des décisions qui sont prises concernant leur bienêtre et celui de leur environnement.
Les entreprises de demain devront se concentrer non seulement sur le profit à court terme, mais aussi et surtout sur leur durabilité. Antonella Noya, de l’OCDE, a déclaré que les coopératives alignent leurs objectifs économiques, sociaux et environnementaux et aident les communautés à s’engager non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le plan social.
Rafael Ziegler, directeur de l’Institut international des coopératives Alphonse-et-Dorimène-Desjardins de HEC Montréal, a déclaré que l’innovation n’a pas toujours été positive. Elle est parfois accidentelle, parfois destinée à répondre à un besoin, et parfois destructrice, comme le montre l’escalade des problèmes reliés aux changements climatiques. Mais les coopératives ont un rôle important à jouer dans l’amélioration des stratégies d’économie circulaire.
Par exemple, Revolusolar, au Brésil, aide les communautés à se réapproprier une énergie abordable et renouvelable en formant les communautés mal desservies à l’installation de panneaux solaires afin de réduire les factures d’électricité de 30 %. Sollio, la plus grande coopérative agricole du Canada, a relevé le défi majeur de trouver un équilibre entre la nécessité d’augmenter la capacité de production pour nourrir une population mondiale en plein essor tout en atténuant l’impact sur le changement climatique. La Fédération internationale des coopératives et mutuelles d’assurance (ICMIF) s’est engagée, avec ses membres, à établir une feuille de route pour répondre aux objectifs des ODD. Les progrès réalisés sur cette feuille de route seront illustrés par la publication de critères de référence. Pour Shaun Tarbuck, PDG de l’ICMIF, il n’y a plus de temps pour la transition… il est temps d’agir.
Le modèle coopératif a une identité, et les coopératives doivent donc se distinguer d’autres formes d’entreprises. Les panélistes de DotCoop, Scoop Ethiquable, iCOOP, aroundtheworld.coop, et OCB, ont donné des exemples convaincants, mais ont insisté sur le fait que nous devons aussi démontrer que nous pouvons répondre aux besoins des consommateurs tout en respectant nos valeurs coopératives.
La population se renouvelant sans cesse, l’image coopérative ne peut être considérée comme acquise. Être une coopérative, c’est aussi expliquer, éduquer et informer de façon continue et cohérente nos membres et la population sur notre différence coopérative.
Le défi est immense, et les coopératives jouent déjà un rôle important dans la réalisation des objectifs des ODD. Les contributions et les actions au niveau local sont en place depuis des décennies avant que les ODD ne soient établis. L’OCDC a précisé que ses membres sont des organisations de développement coopératif dont la stratégie entière est axée sur la réalisation des ODD au niveau communautaire. Le président de Cooperatives Europe a également souligné que la culture des coopératives a toujours été de traiter les problèmes au niveau local. Le représentant de l’UN DESA a rappelé aux participants qu’il incombe aux coopératives de répondre aux besoins des communautés, mais que la réalisation des objectifs des ODD doit être mise en œuvre au niveau national. Pour contribuer aux ODD, les coopératives peuvent travailler localement en tant que combattants de première ligne de la transition verte et de la transformation sociale.
Dans le style d’un jeu télévisé, un scénario a été présenté pour engager le public et les panélistes dans une session interactive sur la façon dont ils reconstruiraient un monde qui a été détruit par les actions de l’homme. Chaque panéliste a présenté la chose qu’il apporterait avec lui dans ce nouveau monde, afin de reconstruire une communauté qui puisse croitre et prospérer. Sarah Jensen, la plus jeune panéliste de Greencastle Housing Cooperative, a proposé d’apporter un paquet de graines dans ce nouveau monde, de faire pousser de la nourriture et des ressources, et de construire une communauté en profitant de cette occasion pour enseigner à tous comment travailler ensemble. Tanguy de Gromard, panéliste d’éthi’Kdo en France, apporterait un livre intitulé Savoir Revivre, écrit pour enseigner aux communautés comment vivre de la terre, dans la nature. Aditya Yadav, de l’IFFCO en Inde, apportera une bouteille de 500 ml de Nano Urea, un engrais innovant qui peut nourrir la terre de manière durable, et Anna Aguirre, de Tazebaez en Espagne, apportera avec elle la constitution de la coopérative de travailleurs Ausolan, qui servira de base à une nouvelle communauté coopérative.
Nous savons que les coopératives intègrent l’utilisation de plateformes numériques dans leur stratégie opérationnelle et commerciale. Même si elles sont encore assez récentes, les plateformes sont là pour demeurer une nouvelle façon de faire des affaires et peuvent aider à mieux comprendre les besoins des membres.
À titre d’exemple, la plateforme de Smart partage les ressources et les risques entrepreneuriaux de ses membres afin d’offrir à chacun d’entre eux des conditions de travail durables. Cependant, il n’existe pas de modèle économique unique pour gérer les plateformes.
Dans différentes parties du monde, elles peuvent fonctionner différemment. Les plateformes peuvent aider les coopératives à se connecter et à se développer pour concurrencer les plateformes gérées par les multinationales. Mais comme le dit Greg Dinsdale, président et directeur général de LBMX Inc au Canada, nous devons garder à l’esprit que personne ne viendra sur une plateforme parce qu’il s’agit d’une plateforme coopérative. Les clients viendront parce qu’elle apporte une valeur ajoutée ou résout des problèmes commerciaux. En outre, nous devons également considérer que les plateformes des grands GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) ne sont pas adaptées au travail et aux réalités des coopératives, et qu’elles pourraient même leur nuire.
Ce panel diversifié a couvert une large perspective du champ à la fourchette et l’immense défi de nourrir la planète aujourd’hui et à l’avenir. Les panélistes représentaient des coopératives de consommateurs de Finlande et du Japon, ainsi que diverses formes d’organisations coopératives de producteurs d’Écosse, de France et du Portugal. Tous ont en commun l’importance d’une action continue et agressive pour innover face à la « vérité brutale » de la crise climatique, au changement de génération dans l’agriculture et à l’évolution des attentes des consommateurs, a déclaré Bob Yuill, directeur général adjoint de la SAOS (Écosse). La nature des coopératives, axée sur les objectifs et les personnes, permet à l’agriculture de prospérer tout en maintenant la communauté, la propriété et l’utilisation intelligente des données par les agriculteurs et les consommateurs. Elle permet également une action collective en faveur de l’agriculture régénératrice et de la précision, ainsi que des possibilités de relations et de connexions profondes entre les producteurs et les consommateurs.
Inmaculada Buendía-Martínez, professeur associé à l’université de Castilla-La ß, révèle que pour attirer les millénariaux, le salaire versé par les coopératives doit être équivalent à celui des autres entreprises. Cependant, à salaire égal, les jeunes choisissent les coopératives plutôt qu’un autre type d’entreprise. Néanmoins, le manque de sensibilisation aux coopératives est l’un des plus grands défis à relever pour attirer et garder les millénariaux. Selon Conor O’Neill, jeune dirigeant de MidCounties (Royaume-Uni), le message doit être court et clair, et l’intention doit être réelle. Un leadeurship fort et positif de la part des dirigeants de la coopérative est un moyen attrayant d’attirer de nouveaux employés. Sylandi Brown, une jeune dirigeante qui occupe le poste de responsable de la communication à l’OCDC, a souligné qu’un bon patron doit être un bon dirigeant. Pour Guy Cormier, président-directeur général du Mouvement Desjardins, Canada, être un bon leadeur, c’est être en contact avec son équipe, toujours apprendre les uns des autres, et rester proche des différentes branches de son organisation pour voir comment les gens s’entraident.
Pour Doug O’Brien, PDG de la coopérative américaine NCBA-CLUSA, « le sixième principe (coopération entre les coopératives) est notre superpuissance ».
Et qu’en ces temps très menacés, la coopération entre les coopératives, en travaillant ensemble à travers des structures locales, nationales, régionales et internationales, est un outil très efficace et puissant. Mirai Chatterjee, présidente de SEWA en Inde, a souligné qu’en période de crise, les coopératives nous ont montré comment sortir du trou et que nous devons continuer à reconstruire, mais avec une protection sociale, en particulier pour les femmes. Phil Ponsonby, PDG de Midcounties au Royaume-Uni, nous a rappelé que les coopératives démontrent qu’elles s’occupent des gens, surtout en temps de crise, et que nous devons continuer à travailler ensemble. Thierry Blandinères, PDG d’Invivo, France, est motivé pour être un leadeur fort, en ayant une bonne équipe qui travaille ensemble pour un meilleur avenir. Paulo Jorge Teixeira, président de la coopérative Portuense au Portugal, estime que l’intercoopération est très importante et qu’il n’est pas nécessaire de réinventer la roue pour résoudre les problèmes mondiaux. Christine Bergeron, PDG de Vancity Canada, a déclaré que la collaboration est importante parce que nous devons tous réussir.
Lors du cocktail dinatoire organisé par Coop FR (l’organisation nationale de rassemblement des entreprises coopératives françaises), l’atmosphère était à la fête, pleine de conversations, d’échanges d’idées d’innovations.
Ce n’était que le début.
Nous nous appuierons sur nos apprentissages et continuerons à vous rassembler et à utiliser le super pouvoir de l’intercoopération (principe 6).
Ensemble, nous pouvons vraiment faire la différence. Notre prochain évènement aura lieu à Montréal du 27 au 29 septembre 2023, dans les locaux de HEC Montréal, avec la collaboration de l’Institut international des coopératives Alphonse-et-Dorimène-Desjardins et le soutien du mouvement coopératif canadien réuni au sein de Coopératives et mutuelles Canada.
Restons en contact